« Il faut sauver le Tchad », plaide l’ancien président et rebelle Goukouni Weddeye

Se « retrouver entre nous » pour « sauver le Tchad »: quasiment deux semaines après la mort du chef de l’État Idriss Déby Itno, tué au front contre une rébellion, l’ancien président et chef rebelle Goukouni Weddeye demande aux Tchadiens de se réconcilier.

Le vieil homme de 77 ans, qui a dirigé le pays de 1980 à 1982, pèse chacun de ses mots: à N’Djamena sa parole est rare et sa voix compte. Il faut « se réconcilier avec les autres pour enterrer nos querelles » et « mettre au devant l’intérêt supérieur du Tchad », affirme-t-il dans un entretien à l’AFP, boubou immaculé sur les épaules et barbichette blanche bien taillée.

Pour lui, il faut « organiser une table ronde » avec « tous les acteurs tchadiens », notamment avec les rebelles qui mènent depuis la mi-avril une offensive et ont promis de « marcher » sur N’Djamena. Idriss Déby est mort au front face à ces mêmes rebelles quelques jours plus tard. Depuis, le Conseil militaire de transition (CMT), qui a pris le pouvoir au Tchad avec à sa tête Mahamat Idriss Déby, fils du défunt président, a promis d’éradiquer le groupe rebelle, et averti qu’il n’y aurait « ni médiation ni négociation ».

Goukouni Weddeye pense que c’est une erreur: « ceux-là aussi on doit les associer, on ne peut pas les considérer comme des ennemis criminels et les rejeter, c’est impossible. »

Depuis l’indépendance du Tchad en 1960, jamais une passation de pouvoir entre deux chefs d’État ne s’est faite par un processus électoral. Et les trois derniers présidents – Goukouni Weddeye, Hissène Habré, Idriss Déby – ont chacun longtemps été à la tête d’une rébellion.

Treize jours après la mort au front du président Déby et l’arrivée au pouvoir du CMT, les interrogations et incertitudes sont nombreuses. Le fils du maréchal-président, qui s’est arrogé les titres de président de la République et de chef suprême des armées, concentre presque tous les pouvoirs. Un gouvernement de transition, composé de 40 ministres et secrétaire d’État, a été nommé dimanche par la junte militaire.

La menace qui pèse sur le Tchad est « la destruction du pays » par ceux qui voudraient profiter du moment pour prendre le pouvoir, prévient Goukouni Weddeye.

– « Le doigt dans la plaie »

En l’état actuel des choses, contre une nouvelle prise de pouvoir par la force et afin de permettre aux autorités militaires en place d’organiser, comme elles l’ont promis, des élections « libres et démocratiques » sous 18 mois, « il n’y a pas d’autre solution » que de soutenir l’armée, estime-t-il.

« La seule armée qui existe aujourd’hui sur le terrain est celle-ci. Alors il faut la ménager, avec justesse, essayer de s’associer avec ceux qui se baladent par-ci par-là (les rebelles, NDLR) et ensemble constituer une force qui puisse assurer la sécurité du pays », estime-t-il.

De toute façon, « il faut être objectif », continue-t-il: « il est difficile de dire que nous avons une armée au sens propre du terme. Notre armée est constituée autour de la Direction générale de service de sécurité des institutions de l’État (DGSSIE, la sécurité présidentielle) », estime-t-il.

Mahamat Idriss Déby, général de 37 ans, en était le chef. Alors, « si c’est lui le chef du CMT, qui pourrait assurer la sécurité à part lui? »

Goukouni Weddeye, ancien chef du GUNT – le Gouvernement d’union nationale de transition, alliance de groupes armés – a été largement consulté ces derniers jours par les acteurs politico-militaires de N’Djamena, assure un de ses conseillers.

Le nom de cet ancien guerrier maquisard, désormais installé dans une immense et luxueuse maison octroyée par le pouvoir d’Idriss Déby en 2009 après 22 années d’exil, a circulé à N’Djamena pour occuper un des postes en vue de la transition. Le premier ministre de transition, Albert Pahimi Padacké, l’a consulté jeudi.

Le CMT « ne peut pas parler comme quelqu’un qui veut la vendetta », prévient Goukouni Weddeye en ajoutant: « il ne faut pas mettre le doigt dans la plaie ».

AFP