La République de Guinée dans la « zone des tempêtes » : Alpha Condé veut une présidence à vie !!! (Par Mohamed Mansour Kaba)

Pour le connaître depuis plus d’une cinquantaine d’années et pour avoir été, comme lui, candidat à la première élection présidentielle pluraliste de 1993, je voudrais m’inscrire en faux contre les belles dispositions d’esprit énoncées par le Président Alpha Condé dans son discours à la Nation du mercredi 4 septembre 2019. Il y dit notamment :

« Dans ma génération politique, tous les combats ont été menés et gagnés

dans la sérénité ». Plus loin, il dit : « En faisant l’effort de se parler et en ayant la

patience de s’écouter sans préjugés ni mépris, on se connaît et on se découvre

mieux et on apprend aussi à se faire confiance ». Fin de citation.

Ces beaux principes n’ont jamais été respectés par leur auteur d’un jour. Je peux en

témoigner en connaissance de cause. Alpha Condé est adepte du « rapport des

forces ». Voici quelques vieux et récents exemples pour illustrer mon propos :

  1. Dans une « Déclaration sur les événements du 4 au 5 Juillet 1985 », publiée

par le « Mouvement national démocratique » dirigé par Alpha Condé, on peut

lire :

« Le Mouvement national démocratique (MND) déclare son soutien au

Président Lansana Conté qu’il considère toujours comme une personnalité

honnête, un patriote sincère, un homme de bonne volonté ».

C’est à cette occasion que celui-ci aurait ordonné l’exécution sans jugement

des dignitaires du régime du Président Sékou Touré à Kindia, ainsi que celle

de plusieurs dizaines d’officiers d’ethnie Maninka. D’aucuns prétendent que

des militants du MND auraient aussi participé à la formation des jeunes de

Conakry qui ont pillé les biens des cadres et commerçants d’ethnie Maninka,

également encouragés par le « WO FATA ARA » du Président Lansana

Conté;

  1. Après la création du « Rassemblement du Peuple de Guinée – RPG », dont

Alpha Condé est le président, ce parti politique a créé à Kouroussa, en Haute

Guinée, une bande de terroristes qui portait le nom de « Ninjas blancs du

Hamana ». Cette horde de jeunes terroristes établissait une liste des chefs de

familles qui ne militaient pas au sein du RPG. Nuitamment et à tour de rôle

annoncé d’avance, ils venaient forcer les portes de paisibles citoyens,

violaient les jeunes femmes, ligotaient et bastonnaient le père de famille qui

ne pouvait se plaindre nulle part ;

A partir de la création du Parti DYAMA que je dirigeais, j’ai été à deux reprises

menacé d’attentat avec de l’essence ordonné par les dirigeants du RPG

originaires, comme moi, de la ville de Kankan. J’en connais tous les

protagonistes, hommes et femmes. Les deux localités en question étaient

Diendè Milimou, dans la préfecture de Kissidougou et Banankoro, dans la

préfecture de Kérouané ; c’est l’ancien sous-préfet de Banankoro au moment des faits qui me l’a rappelé récemment. Ma délégation était obligée de se

réfugier dans la mosquée voisine de Banankoro avec les journalistes qui nous

accompagnaient, afin d’échapper aux vacarmes et aux menaces des militants

locaux du RPG d’Alpha Condé ;

  1. Le lendemain de la publication de la liste des candidats à l’élection

présidentielle de décembre 1993, le Doyen Ba Mamadou est venu me rendre

visite chez moi à Conakry-Taouyah. Nous nous connaissions et nous

appréciions depuis notre militantisme contre le régime du PDG à Abidjan.

Siradiou Diallo était le président du mouvement dans lequel j’étais un militant

actif. Le lendemain-matin de bonne heure, une collègue de mon parti DYAMA

est venue m’annoncer que les responsables du RPG qui
faisaient surveiller

mon domicile auraient décidé que, pour avoir reçu le Doyen Ba Mamadou,

j’aurais trahi Alpha Condé. La décision aurait donc été prise que des jeunes

militants du RPG allaient m’agresser, si jamais je ne retirais pas ma

candidature et viendrais tenir campagne électorale chez moi en Haute Guinée.

Alpha Condé sait exactement quelle a été ma réaction à ces menaces ;

  1. En considérant la période récente de 2018-2019, combien d’adversaires du 3e

mandat présidentiel d’Alpha Condé ou du « referendum » pour une « nouvelle

constitution » ont déjà été menacés ou même emprisonnés à Coyah,

Forécariah, Kankan, Kindia, et Siguiri, pour ne citer que ces quelques cas flagrants ?

  1. Enfin que dire de la centaine de jeunes Guinéens tués par balles réelles lors

de manifestations sur ce que j’appelle désormais « L’Axe Patriotique »

d’Hamdallaye, Bambéto, Cosa et Enco 5 ?

Le mandat donné au Premier Ministre n’est que de la poudre aux yeux. Celui-ci

s’est déjà prononcé pour un mandat de plus pour son patron. Alpha Condé

devrait savoir que personne ne prétend agir ou parler au nom du Peuple de

Guinée. Celui-ci était déjà suffisamment mûr pour dire « NON » au referendum du

Général de Gaulle en 1958. Il en fera de même pour toute tentative d’instauration

d’une dictature qui sera plus intolérante et, de ce fait, plus sanglante que toutes

celles que nous avons connues depuis l’indépendance de notre pays.

Le Président Alpha Condé semble oublier que le Peuple de Guinée est en même

temps témoin et victime de son incapacité à lui fournir le minimum vital :

l’autosuffisance alimentaire malgré les milliers d’hectares de terres cultivables,

des écoles primaires, secondaires et des lycées comparables à celles de la sousrégion ouest-africaine, des centres de santé avec un minimum d’équipements

sanitaires, des routes carrossables en toutes saisons, de l’eau et du courant

électrique, pas seulement pour Conakry et les villes voisines, une ligne de chemin

de fer de Conakry à l’intérieur du pays, des aéroports fréquentables, même pour

des compagnies aériennes étrangères, etc.

De notre génération politique, il ne reste en activité que le Président Alpha Condé

et le modeste auteur de ce communiqué de presse. Alors un dernier conseil à mon ami : je vous prie de rendre le tablier à la fin de votre deuxième et dernier

mandat présidentiel dans l’honneur et la dignité. Sinon vous prendrez la lourde

responsabilité historique des suites tragiques de votre entêtement à vouloir coûte

que coûte une présidence à vie.

Le 5 Septembre 2019

Mohamed Mansour KABA

Président du Parti Pan Africain de Guinée (PAG)