Chute de Kaboul : les Américains ont quitté le pays, les Afghans l’ont (lâchement) abandonné ! (Par Saliou Samb)

Vingt ans après avoir été chassés du pouvoir, pour soutien manifeste au terrorisme, par une coalition internationale menée par les Etats-Unis, les Talibans paradent à nouveau à Kaboul. Derrière les regrets et la cohue générale, une réalité amère se révèle : celle d’un pays abandonné par ses propres citoyens.

Scène surréaliste que celle de centaines de personnes massées autour d’un gros porteur de l’US Air Force en mouvement, accompagnant l’appareil sur une des pistes de l’aéroport de Kaboul ! Quelques-unes sont même accrochées à des parties de l’avion, en signe de désespoir extrême, dans une ambiance hallucinante.

A bien des égards, cette image on ne peut plus humiliante montre à quel point le peuple afghan lui-même, il est vrai encouragé par une « armée » sans honneur, a tourné dos à son propre pays.

Le pathétique président Ashraf Ghani, qui avait déployé tant d’énergie pour s’imposer contre son adversaire Abdullah Abdullah, dans un contexte marqué par les attentats sanglants et la fraude, n’a-t-il pas été le premier à rassembler ses pénates pour s’enfuir du pays comme le couard qu’il est, abandonnant les Afghans à leur triste sort ? Tout ça pour ça ?

Même si la décision du chef de l’Etat américain Joe Biden peut être critiquable pour plusieurs raisons, que pourrait faire l’armée la plus puissante du monde pour défendre des millions de gens qui ont renoncé à la liberté ?

« La liberté c’est l’homme. Même pour se soumettre, il faut être libre. Pour se donner, il faut être à soi », disait Jules Michelet de l’école des Jésuites.

Les Afghans espéraient-ils que des citoyens d’autres pays continuent de mourir indéfiniment, pour leur propre salut, pendant qu’eux savourent le goût du thé, sous leurs terrasses ? Qu’ont-ils fait pour préserver leur propre liberté et ne jamais abandonner face aux barbares ?

Les Etats-Unis, frappés par la crise liée à la pandémie de Covid-19, ne pouvaient évidemment pas continuer à financer une guerre sans fin (20 ans), poursuivre le décompte de leurs morts (2443 soldats), avec le sentiment rageant de protéger une bande de corrompus qui ont plutôt profité de la situation pour s’enrichir, aux frais de leurs alliés. Sur la manière, il y a sans doute matière à discussion, mais dans le fond, on ne pourra jamais reprocher à un pays de défendre les intérêts de ses nationaux. C’est d’Afghanistan qu’ont été fomentés les attentats du 11 septembre 2001, avec les épisodes et la suite qu’on connaît…

Quant aux Talibans, il est inutile de se faire des illusions à leur sujet. Une fois détournés les regards indiscrets des diplomates occidentaux, journalistes et militaires de la coalition internationale, ils reviendront à leurs bonnes vieilles et sales habitudes : mutilations, décapitations, viols maquillés en « mariages », confinement des jeunes filles et des femmes bien loin des écoles modernes, persécutions d’intellectuels considérés comme trop « occidentalisés », tortures, dictature sanglante qui n’aura rien à envier à celle des groupes terroristes.

Parce que si ces gens-là veulent « rassurer », c’est que l’idéologie même qui sous-tend leur combat violent, est une vision moyenâgeuse de l’Islam où des « hadiths » douteux (inventés par des despotes qui, au cours de l’histoire, ont profité de leur position pour falsifier les textes), veulent être imposés à la place du Coran. « L’Islam est né laïc ! », rappelait le défunt et respectable théologien tunisien, le professeur Mohamed Talbi.

Bref, la tragédie afghane interpelle certes nos consciences, mais elle met en évidence la faillite d’un peuple qui a refusé d’accomplir son devoir, en sous-traitant sa propre sécurité. Elle est surtout un signal pour tous ces pays d’Afrique de l’Ouest qui vivaient paisiblement jusqu’à une période récente et qui, depuis quelques années, se réveillent tous les matins au son des kalachnikovs maniés par des hordes de voyous. De bien pâles copies des Talibans…

Saliou SAMB