Le livre inquiétant mais tardif de John Bolton, l’ex-conseiller de Donald Trump

The Room Where It Happened confirme de nombreuses critiques adressées au président américain. Attendu depuis des mois, le livre-vérité de son ancien conseiller à la sécurité nationale doit sortir le 23 juin prochain mais l’administration Trump tente d’en empêcher la publication.

La presse américaine a publié mercredi 17 juin ce que Fox News qualifie d’“extraits colorés” du livre de John Bolton, The Room Where It Happened. L’ancien conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump s’autorise “une critique accablante” du président américain, assure le Los Angeles Times. À tel point que le ministère de la Justice a demandé à un juge de suspendre la sortie de l’ouvrage, prévue le 23 juin, souligne Deadline.

D’après le diplomate, le locataire de la Maison-Blanche ignorait par exemple que le Royaume-Uni possédait l’arme nucléaire, mélangeait le nom de l’actuel et du précédent président afghan, semblait croire que la Finlande n’était pas indépendante de la Russie et aurait demandé à son secrétaire d’État, Mike Pompeo, d’offrir à Kim Jong-un un CD où figurait la chanson Rocket Man, d’Elton John (le surnom qu’il avait donné au dirigeant nord-coréen), relate Business Insider.

“Ce n’est pas la première fois qu’un ancien conseiller de Donald Trump livre des anecdotes sur un président apparemment peu intéressé par les détails de la gouvernance et ignorant des principes de base de la politique étrangère”, note la BBC. Mais, insiste le média britannique, le livre va bien au-delà en “dressant le portrait d’un président prêt à conformer la politique étrangère à son agenda personnel”.

Dans le Wall Street Journal, John Bolton évoque “le scandale de la politique chinoise de Trump”. Il décrit la façon dont il a demandé à son homologue, Xi Jinping, d’acheter des produits agricoles américains pour l’aider à gagner le vote des agriculteurs en vue de sa réélection. En échange, le leader du monde libre s’est engagé à réduire les taxes douanières.” C’était stupéfiant”, déplore son ex-conseiller, dénonçant un homme ayant tendance à “offrir des services aux dictateurs qui lui plaisent”.

Constat inquiétant établi par un homme ayant passé dix-sept mois à ses côtés : “J’ai du mal à trouver une seule décision d’importance prise
par Trump qui n’ait pas été motivée par sa réélection.”
Ce qui fait dire à l’ancien ambassadeur aux Nations unies que le président fera preuve de “nettement moins de retenue” en cas de nouveau mandat. M. Trump a donné “systématiquement” la priorité à sa réélection et au “bien-être de sa famille” avant l’intérêt national, analyse le Journal.

Pour le Washington Post, il s’agit tout simplement de “la dissection la plus critique et la plus complète du président de la part d’un ancien membre de son administration”. D’autant plus qu’elle vient d’un conservateur ayant travaillé durant plusieurs décennies pour des présidents républicains, précise le quotidien.

Un contrat de 2 millions de dollars

Mais ces révélations arrivent “un peu trop tard” et n’auront pas forcément beaucoup d’impact, remarque NPR dans sa critique de l’ouvrage. L’Amérique fait face à une pandémie, une récession et une prise de conscience de ses inégalités, explique la radio publique. L’affaire ukrainienne et le procès en destitution pour abus de pouvoir et obstruction à la justice sont loin désormais.

C’est à peu près ce que disent les démocrates cités par CNBC. Il fallait parler au moment de l’impeachment du président, quand M. Bolton a refusé de répondre à l’invitation à témoigner formulée par la Chambre des représentants. “Bolton est peut-être un auteur mais ce n’est pas un patriote”, critique Adam Schiff, l’élu qui a mené les débats durant l’impeachment. Eric Swalwell, autre démocrate de la Chambre des représentants, l’a comparé sur Twitter au pompier qui propose son aide après un incendie.

Les mémoires de John Bolton n’échappent pas non plus aux critiques des républicains, observe Fox News. Les “alliés de Trump” l’accusent de vouloir vendre un livre pour lequel il a été payé 2 millions de dollars tandis que la Maison-Blanche a “de manière répétée remis en cause sa crédibilité”, signale la chaîne conservatrice.

Mercredi, Kayleigh McEnany, la porte-parole du président américain, s’en est prise à un ouvrage “rempli d’informations classifiées”, ce qu’elle a jugé “inexcusable” et “inacceptable”. Le ministère de la Justice lui reproche de ne pas avoir mené à terme la procédure visant à éliminer du livre ces informations classifiées et a demandé en urgence à un juge d’empêcher la parution.

CNN, de son côté, s’interroge sur l’effet que
pourrait avoir The Room Where It Happened sur la campagne de Donald Trump et son image de leader “fort” quand son ancien collaborateur fait état d’un homme sensible à la flatterie et manipulable.

Quant au New York Times, qui consacre plusieurs articles au livre, il n’a aucune pitié pour la forme de l’ouvrage et aucune sympathie pour son auteur. Dans ce compte rendu de dix-sept mois au service de Donald Trump, “écrit avec si peu d’attention au style et à la forme narrative, [Bolton] s’imagine apparemment que le lecteur est suspendu à chacun de ses mots”, lâche le quotidien. “C’est une expérience étrange de lire un livre qui commence par des salves répétées contre les ‘intellectuellement fainéants’ de la part d’un auteur qui refuse lui-même de réfléchir sérieusement à quoi que ce soit.”

Réveil Courrier