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Validation et invalidation de la candidature de Antonio Souaré à la présidence de la FEGUIFOOT : que sais-je ? (Par Jean Paul)

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Le processus d’élection des membres du Comité Exécutif de la Fédération guinéenne de Football (FGF) a attiré une attention particulière des guinéens pour un ensemble de raisons. Celles sous-tendant la présente analyse sont de caractère juridique. Trois grandes questions ont ainsi suscité cet intérêt. Tandis que la première consiste dans la décision de validation –par la Commission électorale de la FGF – de la candidature de Monsieur Mamadou Antonio Souaré, en dépit de l’existence d’une décision de condamnation de celui-ci pour violation du code d’éthique de la FIFA (I), la seconde se rapporte à la décision – de la commission électorale de la FGF – de valider la candidature de Monsieur Aboubacar Touré, dans le cadre de la reprise du processus, en dépit de l’invalidation de celle-ci dans le contexte du processus initial (II). Enfin, la dernière tient à la décision – de la Commission électorale – de rouvrir le processus de réception des candidatures (III).

Si ces trois questions sont liées au même processus électoral au sein de la Fédération guinéenne de football (FGF), elles seront distinctement analysées pour deux raisons, au moins. La première tient à ce qu’elles soulèvent des problèmes différents de droit. La seconde vient de la longueur ‘‘anormale’’ du texte qui résulterait de la jonction de l’ensemble des analyses dans un écrit unique.

En tout état de cause, la question – à laquelle des éléments de réponse seront fournis dans les différentes réflexions – est celle de savoir si les décisions de la Commission électorale de la Fédération guinéenne de Football sont juridiquement fondées ou, au moins, si elles ne manquent pas de fondements.

SUR LA VALIDATION DE LA CANDIDATURE DE M. MAMADOU ANTONIO SOUARE :

Conformément à l’esprit de l’article 19. 2 des Statuts de la FIFA prévoyant le mode électoral de la désignation des organes des associations membres, à la date du 21 avril 2021, la Commission Electorale a rendu la décision N°001/C.EL/FGF/2021 portant validation de la candidature M. Mamadou Antonio SOUARE à la présidence de la Fédération guinéenne de Football (FGF), après avoir été saisie le 07 avril 2021. D’emblée se pose – au regard des circonstances de l’affaire – la question de la validité de cette décision d’approbation. L’identification des éléments de réponse à cette question impose de se rapporter aux textes organisant la Fédération guinéenne de football (Statuts, Code électoral de la FGF etc.), aux Statuts de la Fédération internationale de Football Association (FIFA), mais également à l’Accord mutuel de la Chambre d’instruction de la Commission Ethique de la FIFA.

Ainsi, suivant, tout d’abord, l’article 19. 1. de ces Statuts, «Chaque association membre doit diriger ses affaires en toute indépendance sans l’influence indue d’aucun tiers». Pour autant, ces associations membres ayant vocation à fonctionner en toute indépendance sont soumises à un ensemble d’obligations. Elles assument, à titre d’exemple, suivant l’article 14 des Statuts de la FIFA, l’obligation d’«Observer en tout temps les Statuts, règlements, directives et décisions des organes de la FIFA ainsi que celles du Tribunal Arbitral du Sport (TAS) prises en appel sur la base de l’art. 57, al. 1 des Statuts de la FIFA …». Cette obligation d’observation des textes et éventuelles décisions précités représente ainsi un des critères de la détermination de la validité des décisions adoptées par la Commission électorale. Ensuite, au titre de l’art. 33 al. 4.5 des Statuts de la FGF, tout membre du Comité Exécutif de la FGF ne doit pas « avoir précédemment été jugé coupable de violation du Code d’éthique de la FIFA, et/ou de la CAF et/ou de la FGF durant les cinq (05) années précédant la candidature ».

Ces dispositions appellent deux commentaires, au moins. Premièrement, la légalité des décisions des organes des associations nationales (comme la Commission électorale de la FGF) ne s’apprécie pas uniquement à l’aune des textes de droit primaire (Statuts et autres) organisant la FIFA et les associations nationales. Mais elle se détermine également au regard des décisions des organes de la FIFA (tant qu’elles sont, elles-mêmes, conformes aux limites que les textes organisant ladite FIFA leurs imposent). En conséquence, sur cet aspect, l’inobservation des textes (organisant la FIFA) et des décisions prises par ses organes, entache d’irrégularité des décisions des organes des associations nationales, y compris en matière électorale. L’hypothèse inverse afférente à la condition de la régularité de ce genre de décision est raisonnablement déductible de la première.

Deuxièmement, l’établissement de la culpabilité – pour « violation du Code d’éthique de la FIFA », et/ou de la CAF et/ou de la FGF – de tout membre du Comité Exécutif de la FGF, durant les cinq (05) années précédant sa candidature », représente – en principe – un motif d’inéligibilité de nature à déterminer l’invalidité de la candidatures concernée. On aurait ainsi pu considérer que la conséquence nécessaire qui s’attache à la condamnation de M. Souaré pour violation du code d’éthique serait son inéligibilité, en vertu du principe consacré par l’article 33. al. 4.5 des Statuts de la FGF.

Une telle conclusion présenterait deux inconvénients. Le premier consisterait dans une conception simpliste des faits de l’affaire se présentant d’une manière éminemment complexe tout en demeurant permissifs à une pluralité d’interprétations juridiquement défendables. Il ne manque pas de raisons de relever que cet aspect du piège du raisonnement simpliste semble avoir pertinemment été pris en compte et évité par la Commission électorale. Le second inconvénient tiendrait à la méconnaissance ou même à l’inobservation d’une des « volontés », d’un organe de la FIFA, stipulée dans un instrument de caractère consensuel. Peut-être, est-il opportun de souligner, qu’il a déjà été relevé que les actes juridiques y compris de caractère décisoires (ou consensuels) édictés (ou négociés) par ces organes représentent des termes de référence de l’évaluation de la validité des décisions des organes des associations nationales.

Or, sans qu’il n’apparaisse nécessaire de rappeler l’ensemble des circonstances précises de l’affaire, à la date du 26 février 2021, la Chambre d’instruction de la Commission d’éthique de la FIFA a signé un Accord mutuel de consentement avec M. Mamadou Antonio SOUARE. Cet Accord représente un acte juridique déterminant dans l’examen de la validité de la décision d’approbation de la candidature de M. Souaré par la Commission électorale. Mais il est tout d’abord important de relever qu’il est stipulé dans cet accord, qu’à l’issue du 1) règlement de l’amende « de 20 000 CHF », 2) « Il n’y aura pas d’interdiction de participer à des activités liées au football, vous pouvez donc continuer à occuper vos postes actuels au sein de la FIFA, de la CAF et de la FEGUIFOOT… », en parlant de M. Souaré.

Au regard de ces faits d’espèce, la lecture conjointe des dispositions de l’article 14 des Statuts de la FIFA et de l’article 33 al. 4.5 des Statuts de la FGF conduit nécessairement à une interprétation équivoque pour deux raisons, au moins. La première tient d’abord au principe de la primauté (au regard de sa structure) du droit de la FIFA sur celui organisant des Associations nationales sur des questions qu’elles régissent concurremment. Elle tient, ensuite, à l’opposabilité de ce droit de la FIFA et des décisions de ses organes aux organes des Associations nationales à la manière de la Fédération guinéenne de Football. En ce sens, soit la Commission électorale de la FGF considérait qu’il s’agit de principes de primauté et d’opposabilité contingentes variant suivant les types de dossiers en examen. Soit elle considérait qu’il s’agit, inversement, de règles de strictes primauté et d’opposabilité indépendantes des affaires d’espèce ou des candidats en cause.

Suivant le premier cas, la détermination de la validité d’un dossier de candidature impliquant une contradiction entre un acte juridique (‘‘Accord mutuel de consentement’’) négocié par organe de la FIFA et les Statuts de la FGF se réglerait au cas par cas y compris par choix alternatif de droit applicable. Or, une telle solution se prêterait à une insécurité juridique (car peu protectrice des droits des candidats dans le processus de leur désignation). Suivant le second cas – représentant l’option de la Commission électorale de la FGF – le respect des textes, décisions de la FIFA et le respect des Statuts de la FGF sont cumulativement au centre de la question de la détermination de l’éligibilité et, en conséquence, de la validité d’un dossier de candidature. Or, les textes organisant la FIFA reconnaissent leur propre priorité sur les Statuts des Associations nationales sur des questions qu’ils régissent ou peuvent être amenées à régir concurremment.

Considérant ainsi la priorité des décisions des organes de la FIFA qui sont applicables et opposables à la FGF, la validation de l’éligibilité de M. SOUARÉ peut raisonnablement être considérée comme déterminée par une interprétation juridiquement défendable de « ‘‘l’Accord mutuel de consentement’’ » du 26 février 2021 entre la Chambre d’instruction de la Commission d’éthique de la FIFA et M. Mamadou Antonio SOUARE. Car, si cet accord représente la preuve de la violation du Code d’éthique, il stipule également au bénéfice de M. Souaré, qu’«Il n’y aura pas d’interdiction de participer aux activités liées au football, {ce dernier peut} donc continuer à occuper {ses} postes actuels au sein de la FIFA, de la CAF et de la FEGUIFOOT… ».

On peut supposer qu’au regard de la Commission, la question de droit qui se pose à la lecture de cet Accord était celle de savoir, quelle était ainsi – substantiellement – la volonté de la Chambre d’instruction de la Commission d’éthique de la FIFA qu’il convenait de respecter (en tant qu’organe de la FIFA dont les actes et décisions sont opposables à la Fédération guinéenne de football, en tant qu’association nationale) ? La réponse à cette question repose sur le choix entre deux hypothèses. Soit la Commission électorale considérait qu’il fallait ne prendre en compte que la «condamnation pour violation du code d’Ethique». Soit elle considérait qu’il convenait de prendre en compte la déclaration explicite du «droit de M. Souaré de poursuivre toutes activités aux seins de la FIFA, de la CAF, de la FGC», en dépit de la décision de condamnation. Suivre la première voie aurait l’inconvénient de vider de son sens l’indication par la Chambre d’instruction, du droit de M. Souaré de poursuivre toutes activités au sein des organes précités. Inversement, observer la seconde option – ce qui est davantage conforme à une interprétation d’effet utile de tous les paragraphes de l’Accord – c’était prendre en compte la volonté de la Chambre en tant qu’organe de la FIFA.

L’on peut estimer que pour la Commission électorale, la question qui se posait était, en conséquence, celle de savoir, que fallait-il retenir entre : a) l’Accord conclu par la Chambre ; accord stipulant, au bénéfice de Monsieur Souaré, le droit de poursuivre toutes activités liées à la FGF et b) les Statuts de la FGF prescrivant l’inéligibilité des candidats déjà déclarés coupables de violation du Code d’Ethique. Le choix de la Commission électorale de valider la Candidature de M. Souaré est ainsi dicté par l’exigence d’observation des actes juridiques, décisions des organes des Associations nationales

Il résulte de l’ensemble de ces considérations, qu’en validant la candidature de M. Souaré à la présidence de la fédération guinéenne de Football, la Commission électorale a fait un choix – en termes d’interprétation – juridiquement fondé et, en conséquence, défendable pour un ensemble de raisons. La première tient au fait que ce choix est dicté par le souci perceptible de la Commission de respecter l’esprit de l’article 14 des Statuts de la FIFA. Sur cet aspect, tandis que a) la Chambre d’instruction représente un organe de la FIFA, b) l’Accord négocié avec celle-ci représente une volonté de cet organe. Or, l’inobservation des décisions et actes des organes de la FIFA représente un motif de non reconnaissance des décisions des organes des associations nationales.

La seconde vient de ce que la Commission électorale semble ainsi avoir fait le choix d’une interprétation d’effet utile (inclusive) et non exclusive pour deux autres raisons. Tandis que la première repose sur le caractère très équivoque de l’Accord que M. Souaré a négocié avec la Chambre d’instruction, la seconde tient au contexte des ‘‘interférences’’ alléguées marquant le processus électoral. Pour ces motifs, la décision de validation de la Candidature de M. Souaré à la présidence de la FGF ne manque pas juridiquement de fondement. Cet aspect est conforté par l’esprit de l’article 15 des Statuts de la FIFA qui ne se borne pas à prescrire l’exigence, pour des associations membres, d’observer les principes de bonne gouvernance.

Il souligne que de tels associations doivent corrélativement observer des exigences minimales (à prévoir dans les statuts) d’interdiction de « toute forme de discrimination » (art.15.b). Or, on ne peut pas soutenir que l’exigence de non discrimination ne s’applique que dans le strict cadre des textes. Car, elle s’apprécie également au regard des décisions, des actes juridiques des organes de la FIFA. Dès lors – le propos peut paraître surabondant – la décision de validation de la candidature de M. Souaré ne manque pas de fondement juridique.

Jean Paul KOTÈMBÈDOUNO

Attaché temporaire d’Enseignement et de Recherche à l’Ecole de Droit de la Sorbonne (EDS)

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

 

  1. La prochaine analyse sera consacrée à la candidature de Monsieur Touré, avant celle afférente à la décision réouverture des dépôts de candidatures.

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