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Terrorisme : l’État islamique revendique l’attaque au Mozambique

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L’EI revendique l’attaque de cette ville côtière où la découverte d’énormes gisements de gaz aiguise tous les appétits.

La bannière noire marquée en lettres arabes blanches de la profession de foi musulmane et signée « État islamique en Irak et au Levant » n’est peut-être pas encore hissée, mais le groupe djihadiste a bel et bien annoncé ce lundi 29 mars avoir pris le contrôle de la ville côtière de Palma, dans le nord du Mozambique. Cible d’une attaque surprise lancée par les djihadistes du groupe Al-Sunnah Wa Jamo (ASWJ) ou « Al-Shebab » affilié à Daech, qui a fait selon la Défense mozambicaine des dizaines de morts, cette ville est hautement stratégique dans cette région pauvre en dépit d’immenses richesses en gaz naturel. En, effet, elle se situe à seulement quelques kilomètres du mégaprojet gazier mené par l’entreprise française Total, qui a investi 20 milliards de dollars, après la découverte, en 2010, d’importantes quantités de gaz naturel au large des côtes nord du pays est-africain. À ses côtés, l’italien ENI et l’américain Exxon Mobil co-investissent également dans ce projet qui doit doper l’économie mozambicaine pour en faire une puissance gazière mondiale derrière le Qatar, la Russie ou l’Iran.

L’EI profite de la prolifération des groupes armés

Dans un communiqué publié sur l’un des sites de propagande de l’EI sur Telegram, le groupe djihadiste a déclaré avoir attaqué « des casernes militaires et des quartiers généraux du gouvernement ». Il a également dit avoir pris le « contrôle de la ville » et fait état de la mort de dizaines de militaires « de l’armée mozambicaine et de chrétiens, dont des ressortissants d’États croisés », en allusion à des pays occidentaux.

La Défense mozambicaine a fait état dimanche soir de dizaines de morts parmi les habitants de Palma. Au moins une centaine de personnes restent portées disparues. La petite ville de 75 000 habitants s’est transformée en ville fantôme tandis que des milliers de civils continuent à fuir par tous les moyens.

Cela fait des mois que des organisations humanitaires tirent la sonnette d’alarme alors que le Cabo Delgado, à majorité musulmane, est l’une des provinces les plus pauvres du Mozambique, ce qui favorise l’implantation des djihadistes. Le chômage des jeunes, très important, est un facteur favorisant le recrutement de jeunes gens désœuvrés, les djihadistes grossissant également leurs rangs en procédant à des enlèvements lorsqu’ils attaquent des villages. Au moins 2 600 personnes ont été tuées, dont la moitié de civils, et près de 670 000 personnes ont fui les attaques. L’accès à la région est compliqué par l’insécurité sur les routes notamment.

Daech prospère sur la misère et la colère des habitants de la région

Les groupes armés, qui terrorisent cette région de la province du Cabo Delgado dans le Nord – stratégique pour l’exploitation du gaz naturel – et frontalière avec la Tanzanie depuis trois ans, sont montés en puissance depuis un an, multipliant les attaques sanglantes. Contrôlant le port stratégique de Mocimboa da Praia depuis août 2020, encore plus grand et crucial pour l’arrivée du matériel nécessaire aux installations gazières, ils sont désormais maîtres d’une bonne partie de la zone côtière. Début janvier, le géant français Total avait déjà évacué des employés du site encore en construction, après une série d’attaques djihadistes à seulement quelques kilomètres. Mais depuis le mois de décembre, les attaques proches du site de la péninsule d’Afungi se sont multipliées, selon plusieurs sources sécuritaires à l’AFP. Et ce, malgré la présence de quelque 800 militaires dans la région.

Le PDG de Total Patrick Pouyanné assurait en février que le projet, hérité de l’américain Anadarko, était encore « sur les rails » pour produire en 2024. Il indiquait s’être mis d’accord avec le président mozambicain Filipe Nyusi pour qu’une « zone d’au moins 25 km autour de ce site » soit sécurisée par les autorités avant la reprise de l’activité. Un objectif désormais lointain alors que Palma est tombée aux mains des djihadistes.

Cela dit, tient à nuancer Michel Cahen, spécialiste de l’Afrique lusophone au CNRS, « cette nouvelle guerre civile n’a pas été directement provoquée par la découverte de ces ressources gazières », observe-t-il. Pour lui, l’origine du conflit est à chercher dans une « dissidence salafiste locale », non dans une lutte pour le contrôle des ressources, a-t-il dit à l’AFP. « Si Total est attaqué, c’est en tant qu’allié du gouvernement mozambicain », juge le spécialiste.

Le Point avec AFP

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