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Marc FONBAUSTIER « La Guinée mérite un nouvel avenir »

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A la réception offerte par l’ambassade de France en Guinée et en Sierra Leone à l’occasion de la célébration du 14 juillet marquant la date de la prise de Bastille 1789, SE Marc FONBAUSTIER, s’est prononcé sur la transition en Guinée et exprimé le souhait de son souhait d’un retour à l’ordre constitutionnel et le respect des libertés conformément aux engagements du CNRD et de son président pris le 5 septembre 2021. C’était en présence de plusieurs officiels du pays dont le premier ministre, Mohamed Béavogui.

L’intégralité du discours de SE Marc FONBAUSTIER,

Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement,
Monsieur le Président du Conseil National de Transition,
Mesdames et Messieurs les Présidents et représentants des Institutions de la République,
Mesdames et Messieurs les membres du corps diplomatique et représentants des institutions internationales, Chers collègues et amis,
Chers Invités, chers amis,

C’est pour Estelle et moi-même un grand plaisir de vous accueillir à la Résidence de France pour célébrer – avec un jour d’avance – notre Fête Nationale.
En ce jour de réjouissance, où nous célébrons les valeurs de la République, j’adresse au Colonel Mamadi DOUMBOUYA, Président de la Transition, les salutations respectueuses et les vœux de réussite de la France à la République de Guinée.

Le 14 juillet recouvre historiquement, en France, deux évènements distincts, dont l’essence fut remarquablement résumée par Victor HUGO, qui a cru voir dans la Révolution française comme « une grande Lumière mise au service d’une grande Justice ».

D’une part, nous commémorons le 14 juillet 1789 et la prise de la Bastille. Ce jour de la Bastille marque la conquête de la Liberté et la bataille des droits humains, jamais gagnée, toujours actuelle, consubstantielle à la Civilisation.

D’autre part, nous célébrons le 14 juillet 1790 et la Fête de la Fédération. Ce jour-là signe la Fête de l’Unité nationale retrouvée, en présence du Roi Louis XVI et des députés de 83 Départements, après des violences, des tumultes, des crises, où la France a atteint un nouvel état, un nouvel équilibre interne. Il s’est certes révélé fragile, dans un premier temps, mais finalement, pérenne.

Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs,

Ce double mouvement – la quête de liberté et de droits fondamentaux ; la quête d’unité nationale – trouve peut-être un écho lointain dans la Guinée de 2022, où la question des droits et des libertés demeure, plus que jamais, d’actualité. Entre la Guinée et la France, nous le savons bien, l’histoire n’a pas toujours été un long fleuve tranquille.

Depuis nos tous premiers contacts bilatéraux, avec l’explorateur Aimé-Olivier PASTRE de SANDERVAL et bien d’autres, notre histoire commune est faite de découvertes, de domination coloniale, puis de rupture, de suspension puis enfin et surtout, de retrouvailles et de partenariats.

C’est une histoire à présent décomplexée, entre égaux qui se connaissent bien, se respectent, s’apprécient et peuvent se parler sans arrière-pensées, pour continuer à bâtir une relation chaleureuse, mutuellement bénéfique et tournée vers le futur.
C’est d’autant plus vrai que la France, dans les moments difficiles, n’a jamais abandonné la Guinée à elle-même. Lors de la première vague de la maladie à virus Ebola, le Président de la République française, François HOLLANDE, n’a pas hésité à se rendre en Guinée, en novembre 2014, pour témoigner en personne de notre solidarité avec le peuple de Guinée.

Lors de la résurgence d’Ebola, de février à juin 2021, son successeur, Emmanuel MACRON, n’a pas plus hésité à répondre aux demandes urgentes de son homologue, qu’il s’agisse d’équipements médicaux ou de vaccins.

Après le 5 septembre et la Transition qui s’est ouverte, la France a immédiatement condamné le coup d’État et souhaité, conformément à ses traditions et à ses valeurs, un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Elle a ensuite décidé, avec d’autres, le G5 et les Institutions Financières Internationales notamment, d’accompagner la Guinée dans son nouveau chemin, un chemin difficile, une voie étroite et exigeante, vers des élections libres, transparentes, démocratiques et crédibles, dans le cadre d’une nouvelle Constitution.

Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs,

Les efforts de la France, au sein de la communauté internationale, aux côtés des autres partenaires, pour aider la Guinée à surmonter ses difficultés et à franchir, avec succès, la barre d’une Transition réussie, a principalement pris quatre formes.

Nous avons, en dépit de tout, maintenu nos coopérations de sécurité et de défense, car le contexte régional, lourd de menaces, exige de ne pas baisser la garde.

Nous avons, en dépit de tout, poursuivi nos coopérations civiles, tournées vers les services de base, les services collectifs, au profit direct des populations. L’éducation, la santé, l’énergie, l’eau, l’égalité des genres sont des axes majeurs de notre partenariat de développement.

Nous avons, en dépit de tout, incité les entreprises françaises à venir en Guinée, à y investir et à contribuer à son émergence. Car nous savons combien elles sont attachées à une éthique, aux règles de droit, à l’emploi local, aux fournitures et aux services locaux, au respect de l’environnement et participent, par l’impôt versé, au développement des communautés.

Nous avons enfin, en dépit de tout, engagé le Trésor français, BPI France et d’autres institutions financières, en faveur de grand projets structurants, qui renforceront les capacités et la souveraineté de la Guinée. L’énergie, la santé publique, le contrôle des espaces aérien et maritime, les chaînes de valeur pour produire plus et mieux en Guinée, tels sont nos objectifs communs.

Au fond, la France croit, comme d’autres, en la possibilité d’une Guinée nouvelle. Elle se projette, à ses côtés, dans la longue durée. C’est pourquoi le Lycée Albert CAMUS s’agrandit, pour pouvoir accueillir encore plus d’élèves. C’est pourquoi l’Institut Français de Guinée déménage à Kipé et se rapproche de ses publics, de la jeunesse Guinéenne. C’est pourquoi l’Institut PASTEUR de Guinée se dote d’un nouveau siège et de nouveaux équipements, dont un Laboratoire P3. C’est pourquoi les réseaux de l’IRD, de l’INSERM et de l’ANSS s’associent avec le Centre d’études, de recherche et de formation sur les maladies infectieuses de Guinée (CERFIG), pour former une plate-forme de recherche en santé mondiale. Tous ces piliers contribueront à l’essor de la Guinée de demain.

Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs,

Nul besoin de souligner combien le monde d’aujourd’hui inquiète. Il est sorti de plus en plus nettement du cadre issu de la deuxième guerre mondiale. Nous entrons dans une nouvelle ère, qui signe le retour des ambitions impériales de plusieurs grands ensembles. Les régulations concertées, les règles communes définies dans le cadre de coopérations multilatérales, qui demeurent pourtant, selon nous, les plus légitimes et les plus adaptées aux immenses défis de notre temps, semblent marquer le pas, face à l’affirmation de la puissance et aussi, hélas, de la violence, pour satisfaire des ambitions territoriales.

Certains États veulent faire croire que le système impérial, qui a caractérisé, il est vrai, une grande partie de l’histoire de l’Humanité, est le meilleur.

L’agression de l’Ukraine par la Russie apporte une illustration spectaculaire de cette ambition impériale, portée en l’espèce à son niveau le plus extrême. Comment ne pas avoir une pensée, depuis Conakry, pour toutes les victimes de ce conflit, civiles et militaires.

Nous devons sans doute reconnaître que l’ordre de 1945 était imparfait et qu’il ne reflète plus toute la dynamique des Nations, pour reprendre les mots de Fernand BRAUDEL. Nous devons admettre que la coopération multilatérale n’a pas toujours réussi à résoudre les conflits ou à préserver les patrimoines communs de l’Humanité.
Mais le primat de la force sur le droit, l’Empire comme système d’organisation humaine, politique et géographique, sont-ils vraiment des modèles enviables et opérants ? Peut-on, de nos jours, soutenir un ordre qui renvoie finalement à un état de nature et repose sur la domination c’est-à-dire, en vérité, un grand désordre planétaire ? Je ne le crois pas. Et quand les Empires s’effondrent, nous le savons bien, ils laissent le chaos dans leur sillage.

Le Président de la République française, Emmanuel MACRON, porte les traditions de la France et continue, inlassablement, de promouvoir la solidarité internationale, dans le contexte difficile créé par la pandémie de Covid et la guerre en Ukraine, dont les conséquences les plus graves sont à venir. Il a eu à cœur de préserver les populations d’Afrique de l’impact d’une guerre longue sur les ressources alimentaires et sur les prix des matières premières. Dès le 24 mars dernier, le Président MACRON a annoncé le lancement d’une grande initiative internationale, en lien avec nos partenaires de l’Union européenne, du G7 et de l’Union africaine. Cette initiative a un nom : FARM (Food and Agriculture Resilience Mission). Cette initiative a un objectif : prévenir les effets désastreux, pour la sécurité alimentaire mondiale, en particulier sur ce continent, de la guerre menée par la Russie en Ukraine. Cette initiative repose sur trois piliers : un pilier commercial, pour fluidifier les marchés ; un pilier solidarité, pour amortir le choc de la guerre sur la production, les prix et l’accès aux denrées agricoles ; un pilier production, pour renforcer durablement les capacités agricoles dans les pays les plus concernés.

Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs,

La Guinée en Transition est comme tout pays en mouvement, en devenir, à l’heure de certains choix.

Le choix, capital, entre l’Ouvert et le Fermé. La Guinée a connu, dans le passé, des cycles faisant alterner une tendance à l’ouverture, aux échanges, à la coopération et une tendance à l’isolement ou à l’autarcie. Les tentations de repli, permises il est vrai par une monnaie en compte propre, des ressources naturelles abondantes et un port assurant une respiration systémique, peuvent se comprendre. Mais elles feraient fi des intérêts profonds de ce pays central, en Afrique de l’ouest, ouvert à tous les points cardinaux, source de grands fleuves, bordé par six frontières, fondateur des grandes organisations africaines, porteur d’idées originales dans les enceintes multilatérales, précurseur du panafricanisme et toujours animé par un esprit fraternel de bon voisinage. Cette Guinée ouverte à son environnement régional, au monde, est celle, de mon point de vue, qui a les meilleures chances de succès.

Le choix du dialogue avec les pays voisins, ceux de la CEDEAO en premier lieu et je salue les avancées récentes, mais aussi, entre Frères et Sœurs Guinéens, parce que seul le dialogue permet la résolution pacifique des différends et la régulation dynamique d’intérêts parfois divergents.

Le choix entre le statu quo et la transformation, qui permet d’ouvrir un autre chapitre, de célébrer la fierté nationale, de prospérer enfin dans une émergence trop longtemps hésitante.

Le choix entre les intérêts individuels, personnels, et l’intérêt public, qu’on appelle aussi le Bien commun et qui est bien plus que la simple somme des intérêts catégoriels. Ce sens du dépassement est sans doute la clé d’une gouvernance juste et efficace.

Les autorités de la Transition ont affiché d’emblée leur volonté légitime de recouvrer le plein exercice de la souveraineté de la République de Guinée, c’est à dire l’exercice effectif, sur la population et le territoire de la Guinée, d’une autorité politique exclusive. Pour l’ambassadeur que je suis, du pays dont je viens, un pays marqué par la figure et les idées du Général de GAULLE, cette vision de la souveraineté n’est pas qu’un concept. Ce fut une force historique, qui suscite le plus profond respect et qu’il importe, pour la Guinée, de préserver comme un héritage vivant. Et c’est une exigence toujours recommencée, tant les atteintes à la souveraineté, de nos jours, peuvent prendre des formes insidieuses.

Nous le savons tous, la souveraineté de l’État a des corollaires, entre autres, la responsabilité de l’État. Les choix souverains se doivent donc d’être mûris, expliqués et assumés au grand jour. La Transition est concernée par ces principes.

Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs,

Je souhaite à Monsieur le Président de la Transition, à son Gouvernement, aux Institutions de la Transition ici représentées, beaucoup de force d’âme, de courage, d’énergie et de discernement, dans cette phase fragile et complexe de l’Histoire de la Guinée, où rien n’est écrit à l’avance.

Je leur souhaite de garder à l’esprit les promesses du 5 septembre, qui ont fait jaillir, dans tout le pays, dans sa Jeunesse, une grande Espérance. Je leur souhaite de veiller activement au respect des libertés fondamentales et à la paix civile, car il n’y a pas de développement possible sans la paix.

Je leur souhaite de ne pas oublier, pour reprendre la formule d’un peintre des îles Canaries, Oscar DOMINGUEZ, « le souvenir de l’avenir ». Car la Guinée mérite un nouvel avenir. Lorsque les richesses des profondeurs, celles du sous-sol, les richesses cachées, viendront pleinement soutenir les richesses de la surface, que sont les jeunes, les femmes, les hommes de ce beau et fier pays, alors, des forces nouvelles agiront et un vaste champ des possibles s’ouvrira. Pour ce faire, la Transition, celles et ceux qui l’incarnent, devront tenir le cap. Ils veilleront à « Servir l’Etat sans s’asservir au pouvoir », suivant la maxime de Louis-Mathieu MOLE.

Je forme le vœu que les dirigeants d’aujourd’hui cultivent leur esprit de responsabilité et leur sens du devoir, en gardant bien en mémoire les ombres et les lumières du passé, tout ce clair-obscur que les peintres italiens de la Renaissance appelaient le sfumato. La mémoire du passé, celle des erreurs commises, mais aussi celle des fulgurances des grandes figures populaires de la Guinée, est décidément essentielle. Car comme l’a écrit le philosophe hispano-américain George SANTAYANA, « le progrès n’est pas le changement, mais la capacité à se souvenir. Ceux qui ne peuvent pas se souvenir de leur passé sont condamnés à le répéter ».
Pour terminer, je tiens à remercier chaleureusement toutes les entreprises – elles ont été particulièrement nombreuses et généreuses cette année – qui ont bien voulu nous soutenir et nous accompagner pour organiser cette cérémonie.

J’exprime toute ma gratitude, au nom de l’Ambassade, à Africa Ports et Airports, Air France, Bouygues, Bureau Veritas, Canal + Guinée, CFAO Motors, CMA-CGM Guinée, Conakry Terminal-Bolloré, Egis, Eiffage Genie Civil, Groupe Kallan International, Ineo, Insuco, Laguipres Securité, Leduc Guinée, Matière, Orange, Secamic, Société Générale Guinée, SOGEAC/ADP, TGH Plus Industries Renault Trucks, Themiis, Thomson Broadcast, TotalEnergies, Lafarge Holcin, Tractebel, Sobragui, Impérial.

Je tiens enfin à rendre hommage au personnel de la Résidence de France, si dévoué et engagé pour cette grande cause, Alexandre, l’intendant, Cissé, le Chef de cuisine, Keita et Morlay, les maîtres d’Hôtel et pour Keita, qui prendra une retraite bien méritée, c’est un jour très spécial, puisque c’est son dernier 14 juillet, après 20 ans de bons et loyaux services, Nabi, notre jardiner, qui aura écouté Voltaire et cultivé notre grand Jardin et Sylla, notre ouvrier polyvalent, qui multiplie les petits miracles. Je mentionne également les renforts venus nous épauler, si serviables et enthousiastes.

Je tiens à remercier Magali, ma remarquable assistante, qui a fait un travail colossal et mes deux stagiaires, Justine ici présente et Coline, à qui nous devons les belles images que vous découvrez sur nos écrans. Merci également à Grégory, à Sofiane, à Patrick, à Jean-Marie et aux gendarmes de l’ambassade, ainsi qu’à Catherine, pour le pôle sanitaire qu’elle a mis en place.

Et à Nicolas enfin, pour son appui médias très précieux.

Vive la Guinée et la France.
Vive la coopération franco-guinéenne.
Vive la coopération internationale./.

Source: Ambassade de France en Guinée et en Sierra Leone

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